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Association forestière de la vallée de Villé
21 mai 2023

Alsace : comment les forestiers privés gèrent les forêts

Article paru dans les DNA du 20/05/2023

Pas facile de gérer une forêt entre sécheresses répétées, cervidés gloutons, fréquentation du public et défense contre les incendies. Regroupés en fédération et en syndicat pour une partie d’entre eux, les forestiers privés d’Alsace doivent louvoyer entre des obstacles de plus en plus imprévisibles.

propri_taires1Dans un monde fait de béton, la question ne se poserait pas. Mais nous avons la chance de compter sur nos forêts pour nous faire respirer, nous rafraîchir, nous divertir, nous abriter, nous chauffer, voire nous nourrir. Le fait qu’aujourd’hui, une partie d'entre elles va mal, n’est pas une surprise : il suffit de regarder le nombre d’arbres morts qui parsèment la Harth lorsqu’on la longe, sur l’A35… Quant aux propriétaires privés qui possèdent 25 % des forêts alsaciennes (le reste étant de statut domanial ou communal), ils se heurtent à des écueils croissants et imprévisibles. État des lieux, avec les représentants des deux instances alsaciennes des forestiers privés, la fédération Forestiers d’Alsace et leur syndicat, l’antenne régionale de Fransylva.

« On n’arrive plus à planter »

En Scandinavie, des chiens ont été dressés pour flairer les scolytes et repérer les arbres atteints, ce qui permet d’enrayer la propagation de ces ravageurs. En Alsace aussi, les scolytes mettent des parcelles entières à terre et l’appétit des cervidés ruine parfois l’émancipation des nouvelles générations, affaiblies par la crise climatique. Que ce soit du fait des scolytes ou des choix des forestiers, les coupes à blanc, autorisées en France alors qu’elles sont interdites en Suisse, appellent une replantation si leurs propriétaires veulent jouir de bois à haute valeur ajoutée.

À Sainte-Croix-aux-Mines, c’est une routine pour Jean-Marie Batot (par ailleurs président de cette fédération). « Cela fait cinquante ans que je plante chaque année et depuis 2020, j’accumule les échecs : le taux de reprise des jeunes plants est compromis, témoigne-t-il. Autour de moi, les autres forestiers sont de moins en moins nombreux à planter, freinés par les coûts » Il existe bien des protections contre la dent et le frottis des cervidés, mais les arbres de fer et autres tampons font vite chuter un bilan d’exploitation dans le rouge. « Le reboisement coûte cher. Alors que l’augmentation de la mortalité forestière nous oblige à vendre du bois sec sur pied ou scolyté, 30 % moins cher », compte Vincent Ott, président du syndicat forestier. Ce dernier appelle à ne plus tolérer les déséquilibres forêt-gibier : « Nous savons qu’il y a désormais des endroits où il n’est plus possible de planter quoi que ce soit. »

Face aux incendies, quel chemin prendre ?

propri_taires8« Nos forêts ne sont pas pensées pour faire face aux incendies, il faut tout reprendre à zéro », martelait Pierre Grandadam, président de l’Association des Communes forestières d’Alsace lors de l’assemblée générale de la Fédération des forestiers d’Alsace, il y a une semaine. En attendant que les pouvoirs publics affinent leur organisation (le département des Vosges étant en avance sur le Bas et le Haut-Rhin), les forestiers privés savent qu’ils seront mis à contribution. « Les plans d’action et de prévention mis en place dans chaque département prévoient de faciliter l’accès des sapeurs-pompiers aux sinistres. L’ennui, c’est que l’administration nous a toujours demandé d’aménager les pistes d’exploitation en prévoyant un maximum de cul-de-sac, pour freiner la circulation intempestive. Alors qu’aujourd’hui, les sapeurs-pompiers ne veulent plus de cul-de-sac pour pouvoir manœuvrer leurs camions dans les secteurs considérés comme vulnérables… », s’interroge Vincent Ott. Par ailleurs, rien n’obligerait les propriétaires à entretenir leurs parcelles pour limiter les risques d’incendie. Mais ils restent tenus de réaliser une gestion courante, comme du débroussaillage, sur les secteurs très fréquentés.

Le chemin de croix de la responsabilité civile

D’un côté, une fréquentation du public accrue ces dernières années, y compris dans les parcelles forestières privées. De l’autre, de plus en plus d’arbres morts ou en piteux état et des épisodes venteux parfois forts qui augmentent les risques de se prendre un tronc sur la tête. Comment les gérer ? « En cas d’accident sur une parcelle privée, les propriétaires sont les seuls à devoir mettre la main au portefeuille. Heureusement, il n’y en a pas beaucoup pour l’instant, cinq à sept dans l’année (dont deux mortels récemment). Mais à force, ça chiffre », résume Vincent Ott qui cite également les dégâts impliquant les lotissements construits à la lisière des forêts, de plus en plus nombreux. L’assureur du syndicat a d’ailleurs exprimé son mécontentement. Résultat : le montant des cotisations a triplé…

Ajoutez aux arbres morts la chenille processionnaire, douloureuse pour nous voire mortelle pour les animaux, et qui a le vent en poupe. « En tant que propriétaires, nous pourrions interdire l’accès à nos parcelles. Mais ce n’est pas notre volonté, nous avons au contraire un patrimoine à montrer et qui va prendre une importance croissante. Il n’en reste pas moins que la couverture du risque est plus difficile. » Et la gestion forestière plus incertaine.

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