Incendie : les forêts du Bas-Rhin sont-elles à risque ?
Ils ravagent les forêts du sud-ouest de la France et ont cette année une ampleur inégalée : les incendies. Dans le Bas_Rhin, les alertes sécheresses se multiplient, et avec elles les recommandations préfectorales pour tenter de préserver nos forêts. Mi-juin 2022, les pompiers du Bas-Rhin étaient déjà intervenus sur 280 départs de feu. Avec 178 000 hectares boisés dans le département, soit 37% du territoire, qu’en est-il du risque de feu de forêt de notre côté de l’hexagone ?
Le risque d’incendie souvent lié à l’activité humaine
« Le risque d’incendie est plus fort dans les forêts périurbaines », estime Frédéric Lonchampt, responsable du département Espaces naturels à la Ville de Strasbourg. En cause, leur proximité avec l’homme, comme pour les forêts du Neuhof ou de la Robertsau par exemple. Car les départs d’incendie sont majoritairement anthropiques – c’est-à-dire relatifs à l’activité humaine : feu de camp, mégot jeté dans la nature…
Autre zone à risque : le forêt de Brumath, également gérée par la Ville de Strasbourg. « Elle est plus sèche, plus sableuse et donc plus sujette à la sécheresse », explique-t-il.
Un risque multifactoriel
Le risque feu de forêt dépend de plusieurs facteurs. « Traditionnellement les résineux sont plus sensibles que les feuillus », explique Marc Sezyk, référent territorial du Grand Est à l’Office Nationale des Forêts (ONF). L’essence de l’arbre entre donc en compte. Ces résineux sont cependant situés à des altitudes plus hautes : « Dans les forêts de montages comme celle de Schirmeck, ou celle d’Haguenau ». Ils représentent 40% des arbres du département. Et qui dit plus en altitude, dit plus arrosé.
« Le facteur précipitation joue beaucoup », complète-t-il. Sur une année très pluvieuse, les départs de feu comptabilisés sont sensiblement plus bas qu’une année traditionnelle – en 2021 par exemple, une année particulièrement pluvieuse, les sapeurs-pompiers du Bas-Rhin sont intervenus 281 fois, contre 715 en 2020.
« Sécheresse de la végétation, nombre de jours sans pluie, température plus élevée… sont autant de facteurs » résume Marc Sezyk. « Plus il fait chaud, plus la végétation transpire et à force elle n’a plus de ressources et s’assèche ».
Petit indice pour détecter un arbre en manque d’eau, même dans un parc par exemple : « En regardant les feuilles de près, si elles sont recroquevillées c’est un signe ».
« Le vent joue aussi un rôle important », souligne le Commandant Hervé Claudon, directeur de la compagnie de sapeurs-pompiers du Sud Bas-Rhin, et conseiller technique départemental feu de forêt pour le département.
Des forêts humides et diversifiées
Les risques d’incendie sont pourtant faibles dans le département. En cause, l’humidité de nos forêts : « Le nappe phréatique et la proximité du Rhin viennent limiter les départs de feu », précise Frédéric Lonchampt.
Les zones plus à risque sont les prairies, ou les forêts plus sèches comme celle de Brumath par exemple. « On n’aura pas chez nous de feux de cime comme ceux qu’on a pu voir dans le sud », explique le Commandant : « Souvent les interventions concernent des feux de récolte comme l’orge ou le blé, ou des arbustes de moins de huit mètres ».
A Strasbourg, Frédéric Lonchampt estime qu’on a de la chance : « Les forêts ne sont plus exploitées, et ce depuis plusieurs décennies ». Ce qui favorise la « densité des peuplements ». Plus la forêt est dense, plus elle a de « sous-étages », plus ces derniers pourront limiter la propagation d’un feu, « contrairement aux forêts de plantation ».
Le risque augmente, et augmentera
Le risque n’est pas imminent dans le Bas-Rhin mais pourrait « aller crescendo avec le temps : il est très lié au réchauffement climatique », précise Marc Sezyk. « Il faut que la population se rende compte que le risque feu de forêt va évoluer défavorablement sur l’ensemble du territoire et avec lui la règlementation », selon le Commandant Claudon.
Pour la première fois en 2022, les pompiers du Bas-Rhin sont allés aider leur confrères allemands pour un départ de feu de l’autre côté de la frontière : « Ils prennent conscience que le risque va les impacter dans les années futures », estime le Commandant Claudon. Une prise de conscience collective selon lui, qui s’étend à tout le nord de l’Europe.
Le défi : rendre la forêt résiliente
La préservation des forêts bas-rhinoises se fait sur le temps long. « On doit attendre l’année suivante pour voir comment la forêt se porte après une saison très sèche », explique Frédéric Lonchampt. « Pour une gestion durable de la forêt il ne faut pas d’exploitation intensive en préservant la mixité des essences et des âges, ça permet de créer de la résilience », explique-t-il.
Une démarche aussi poursuivie par l’ONF : « Nous devons augmenter la part du peuplement mélangé [feuillis et conifères, ndlr] ».
Une thématique prévisible mais pourtant nouvelle dans son ampleur. « La première mission est de s’acculturer au sujet, nous et tous les acteurs amenés à intervenir », conclue Marc Sezyk. (selon "Actu-Strasbourg")